Vider Paris. Et toutes les capitales. Pouvoir s'offrir une promenade en solitaire dans un dédale désaffecté, vivre Paris comme ces archéologues qui découvrirent en d'autre temps les traces de temps encore plus lointains. Tout Paris appelle au passé, bafoué par tous ces gens qui s'y promènent sans se soucier de leur ingérence dans sa vie privée, comme des fourmis qui s'invitent sur les rebords de votre cuisine, dans les placards, sous le frigo. J'aurai pu choisir des cafards. Ou des cochons. Ou ce que vous voulez. D'accord, un cochon ça passe pas sous un frigo.
Combien d'entre eux viennent réellement admirer la capitale.
Entre les bétaillères de touristes dont seule la prise de photo pour alimenter des conversations jalouses au retour justifie le prix du billet, pour le plaisir de mentionner qu'on a été, qu'on est allé, qu'on a vu, sans pouvoir aligner trois adjectifs qui donneraient ne serait-ce qu'un semblant de perspective à la photo.
Entre les couples qui cherchent devant les magasins, les bistrots ou les arrêts de métro des arguments bien empruntés pour donner à leur relation des accents dramatico - pathético - romantiques, sans romanesque, alors que lui ne pense qu'à conclure la visite au fond de son lit à elle, se servant de la capitale comme d'un appareil de justification infaillible permettant à celle qui lui tient la main de croire momentanément qu'ils partagent les mêmes goûts, et que ce goût que lui a d'admirer Paris "avec elle" est un gage indéniable de sa santé mentale et du bon choix qu'elle 'aussi' a fait, lui permettant plus facilement alors de se glisser nue entre les draps pour feindre d'ignorer que les matins sont les mêmes quand Paris s'éveille, qu'il pue des pieds et qu'il aurait pu jeter 'sa' capote ailleurs que dans l'évier.
Entre les parisiens qui jubilent devant la valeur croissante de leur bien immobilier, encastrés dans des boites comme des papillons qui suffoquent, sans jamais manquer une occasion de vous faire admirer leurs ailes, alors qu'ils n'ont jamais vu un terrain d'aviation. Entre tous ceux qui arrivent fourmis et rêvent de mutation génétique pour ressembler aux papillons, qui se collent sur les bras des ailes en carton. Et il y aussi tous ceux qui donneraient bien un prix Nobel à leur chien, ceux qui boivent de l'eau minérale parce que c'est sûr l'eau du robinet faut pas y toucher, ceux qui allument un cierge à 20 heures devant leur télé, celles qui vous allument dans la rue sans allumette ni briquet. Et puis il y a moi et tous ces cons, tous ceux qui trouvent plus de plaisir à converser dans un parc avec un arbre, lui toucher le tronc, admiratif de sa patience et son abnégation.
J'en ai rêvé, Nicolas l'a fait. Nicolas Moulin, jeune artiste infographe français qui a à son actif différents prix de création en France, au Japon et aux Etats-Unis, et qui est pressenti pour se voir confier toute la mise à jour de la charte graphique des programmes de M6 à partir de 2007. Ça vous rassure ? c'est que des conneries, je sais pas qui c'est, donc c'est pour l'instant quelqu'un de bien. Qui connaît la vie de Van Gogh, de Klimt, ou de Gainsbourg? De tout temps anyway les artistes trépassent avant la naissance de l'intérêt pour leurs œuvres. C'est sûrement du au fait qu'on peux mieux se mettre en lumière, jouer les connaisseurs et s'approprier la connaissance de l'œuvre sur le dos de quelqu'un quand il repose entre quatre planches de sapin.
Ce qui me chagrine, c'est que non seulement il a eu une idée que j'aurais aimé avoir, mais en plus que j'aurais pu avoir; je suis sur un cheminement créatif actuel où son travail rétrospectivement m'allume une fin de couloir interne.
Il m'a terminé une phrase, en quelque sorte.
Tout un paragraphe, en fait.
Tout un film, peut-être.
Dans lequel le texte se résume par le premier paragraphe de ce blog, et dont je traîne les images depuis près de trente ans un soir où j'étais resté mystifié devant
The World, the Flesh, and the Devil (1959).
Marrant, non ? Je me suis presque approprié le travail de N. Moulin, et sans planche ni sapin.
Je ne commente pas l'excellence de son travail ni la qualité de son touché graphique, la maîtrise des ombres, des lumières et des textures.
La vraie question au bout du compte n'est pas "c'est où?", mais "pour quand?".
6 Comments:
Base interessante profonde. Plutot noir par moment, (humain =
destructeur, menteur ds ses relations),
Pas de romantisme ni d'amour possible, c'est toi ca?
Le passage du couple qui se ment est un peu compliqué
Faut que tu "pause" houelebeck tu t'en rapproches...
En tous cas l'ambiance est la...
En fond sonore il pourrait y avoir le souffle du vent ou d'un humain pris de panique
Raph
la première photo avec ce ciel si bleu est ce bien paris?
une photo est toujours double, elle montre son objet et aussi caché derrière, celui qui photographie, avec son propre recul, son désir de photographier, de saisir cet instant là, cette lumière, ce geste qui n'a lieu qu'une fois. c'est à ce moment ^à que commence l'histoire. alors j'ai juste une question à la con
pourquoi pas des photos prises par toi plutôt qu'une histoire comme tu le dis commencée par quelqu'un d'autre, aussi talentueux soit-il,
mais la photo etant une histoire de desirs , tout cela m'échappe peut-etre un peu,@+
toutes les 'petites' photos (agrandissables en clickant dessus) sont de Paris. Si tu lis dans le texte, elles sont la résultante des travaux graphiques de Nicolas Moulin. Enorme travial sur les photos pour bétonner Pairs au premier niveau. Magnifique. Une odeur de juste avant ou de juste apres une guerre, atomique, une epidemie, qu'importe laquelle.
Son oeuvre à lui, pas des photos de moi. Mais je me sentais proche de son travail, comme j'explique dans mon texte. Je suis rentre tres facilement dans son univers.
Pour ce qui est des photos, j'en prenais, il y a une dizaine d'annee. Puis l'objectif de mon EOS a lache, je l'ai mis dans une boite... et je suis parti dans d'autres univers plastiques, dessin, logiciels graphiques...
Je referai de la photo, quand le pompon du Merry-go-round repassera en tant opportun au dessus de ma tete. La cyclicite des choses redonne toujours une chance de...
ah oui je n'avais pas cliqué, c'est +magnifique en grand,
j'aime beaucoup ces photos car on ne voit jamais paris aussi architecturé et dépouillé de gens, la lumière aussi
et le côté gris crayeux des premières
photos,ton texte crée un décalage c'est interessant
besoin de verifier:)
Que vérifier ?
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